Environnement en crise: "nous avons dépassé
le point de non-retour"
Il y a 30 ans, le scientifique James Lovelock a compris
que le terre possédait un système de contrôle
à l'échelle planétaire qui gardait
l'environnement adapté à la vie. Il l'a
appelé Gaïa, et la théorie a été
largement acceptée. Aujourd'hui il croit que
le mauvais traitement de l'environnement par l'humanité
fait fonctionner le mécanisme contre nous. Sa
conclusion étonnante: le changement de climat
est déjà insoluble et la vie sur terre
ne sera plus jamais la même.
Par Michael McCarthy 16 janvier 2006
Le monde a déjà dépassé
le point de non-retour du changement de climat et il
est improbable que la civilisation telle que nous la
connaissons survive, d'après James Lovelock,
le scientifique et gourou des écologistes qui
a conçu l'idée de Gaïa - la terre
qui se maintient elle-même adaptée pour
la vie.
Dans une nouvelle estimation profondément pessimiste,
publiée aujourd'hui dans The Independent, le
Professeur Lovelock suggère que les efforts pour
contrer le réchauffement global ne peuvent pas
réussir et qu'en fait il est déjà
trop tard.
Le monde et la société humaine font face
à un désastre d'une pire ampleur, et à
une échelle de temps plus rapide, que personne
ne peut se l'imaginer, croit il. Il écrit: "avant
que ce siècle ne se termine, des milliards d'entre
nous mourront, et les quelques couples reproducteurs
qui survivront seront en Arctique où le climat
reste tolérable."
En faisant une telle déclaration, beaucoup plus
sinistre que toutes les autres faites par un scientifique
de réputation internationale comparable, le Professeur
Lovelock accepte de prendre ses responsabilités.
Mais, comme la personne qui a conçu la première
toute nouvelle façon de considérer la
vie sur terre depuis Charles Darwin, il sent que sa
propre analyse de ce qui se passe ne lui laisse pas
le choix. Il croit que c'est le propre mécanisme
d'auto-régulation de Gaïa - de plus en plus
accepté par d'autres scientifiques dans le monde,
bien qu'ils préfèrent le nommer le Système
Terrestre - qui, de façon perverse, assurera
que le réchauffement ne peut être maîtrisé.
C'est parce que le système contient des myriades
de réactions parasites qui ont agi ensemble par
le passé pour maintenir la terre beaucoup plus
froide qu'elle ne le serait autrement. Maintenant, cependant,
ils vont s'assembler pour amplifier le réchauffement
causé par les activités humaines telles
que le transport et l'industrie et ses énormes
émissions de gaz à effet de serre comme
le dioxyde de carbone (CO2).
Ceci signifie que les conséquences néfastes
des êtres humains endommageant l'ancien système
de régulation de la planète vivante seront
non linéaires - en d'autres mots, s'accéléreront
probablement de façon incontrôlable.
Il nomme le phénomène "la revanche
de Gaïa" et l'examine en détail dans
un nouveau livre portant ce titre (The Revenge of Gaia)
devant être publié le mois prochain.
Le caractère unique du point de vue de Lovelock
est qu'il est holistique plutôt que réducteur.
Bien qu'il soit un partisan engagé des recherches
actuelles sur le changement de climat, spécialement
au centre britannique Hadley, il ne regarde pas les
aspects individuels du comportement du climat, comme
le font inévitablement les autres scientifiques.
Il regarde plutôt comment le système de
contrôle complet se comporte quand il est stressé.
Le Professeur Lovelock, qui a conçu l'idée
de Gaïa dans les années 70 en examinant
les possibilités de vie sur Mars pour la NASA
aux États-Unis, a averti des dangers du changement
de climat depuis que les inquiétudes majeures
à ce sujet sont apparues il y a presque 20 ans.
Il fut l'un des scientifiques sélectionnés
qui ont fourni un rapport initial sur le changement
de climat au cabinet de Margaret Thatcher au 10 Downing
Street en avril 1989.
Ses inquiétudes se sont accrues régulièrement
depuis lors, comme les preuves du changement de climat
se sont accumulées. Par exemple, il a partagé
l'inquiétude de beaucoup de scientifiques sur
les informations de septembre dernier comme quoi la
glace couvrant l'océan arctique fond maintenant
si rapidement qu'en 2005 elle a atteint un point bas
historique.
Il y a deux ans, il a déclenché une importante
controverse avec un article dans The Independent demandant
aux environnementalistes d'abandonner leur longue opposition
à l'énergie nucléaire, qui ne produit
pas les gaz à effet de serre des centrales conventionnelles.
Le réchauffement global se produisait si rapidement
que seule une augmentation majeure de l'énergie
nucléaire pouvait le maintenir sous contrôle,
disait il. La plupart des mouvements écologistes
ont rejeté en bloc sa demande, et le font encore
aujourd'hui.
Maintenant ses inquiétudes ont atteint un sommet
- et mettent l'accent sur quelque chose de nouveau.
Plutôt que demander d'autres moyens de contrer
le changement de climat, il appelle les gouvernements
de Grande Bretagne et d'ailleurs à commencer
des préparations à grande échelle
pour survivre à ce qu'il voit maintenant comme
inévitable - de ses propres mots aujourd'hui,
"un climat d'enfer" qui sera probablement
plus chaud en Europe de 8°C qu'il ne l'est aujourd'hui.
Dans le chapitre de conclusion de son livre il écrit:
"que devrait faire maintenant un gouvernement européen
sensé? Je pense que nous n'avons que peu d'options
à part nous préparer pour le pire, et
supposer que nous avons dépassé le seuil."
Et dans The Independent d'aujourd'hui il écrit:
"nous ferons de notre mieux pour survivre, mais
malheureusement je ne vois pas les États-Unis
ou les économies émergentes de Chine et
d'Inde s'arrêter à temps, et ils sont les
principales sources d'émission de CO2. Le pire
arrivera..."
Il continue: "nous devons garder à l'esprit
le rythme redoutable du changement et réaliser
le peu de temps qui nous reste pour agir, alors chaque
communauté et nation doit trouver la meilleure
utilisation des ressources en sa possession pour maintenir
la civilisation aussi longtemps qu'elle le pourra."
Il croit que les gouvernements mondiaux devraient sauvegarder
l'énergie et l'approvisionnement de nourriture
dans le milieu protégé global et se défendre
contre les augmentations attendues du niveau des mers.
La vision du scientifique de ce à quoi la société
humaine pourrait finalement être réduite
par le changement de climat est "une foule brisée
menée par des chefs de guerre brutaux".
Le Professeur Lovelock a attiré l'attention
sur un aspect particulier de la menace du réchauffement,
qui est que l'augmentation attendue des températures
est actuellement retenue artificiellement par un aérosol
global - une couche de poussière dans l'atmosphère
autour de l'hémisphère nord de la planète
- qui est le produit des industries mondiales.
Ceci nous protège de certaines radiations solaires
par un phénomène connu comme "l'assombrissement
global" et on pense qu'il maintient les températures
globales plus basses de plusieurs degrés. Mais
avec un déclin industriel brusque, l'aérosol
pourrait retomber de l'atmosphère en un temps
très court et les températures globales
pourraient soudainement énormément augmenter.
Une des idées les plus frappantes de son livre
est "un guide pour les survivants du réchauffement
global" destiné aux humains qui se battraient
encore pour exister après un effondrement total
de la société.
Écrit non pas sous forme électronique
mais "sur du papier durable avec de l'encre de
longue durée", il contiendrait les connaissances
scientifiques de base accumulées par l'humanité,
la plupart d'entre elles considérées par
nous actuellement comme complètement acquises
mais obtenues à l'origine seulement par une dure
bataille - telles que notre place dans le système
solaire ou le fait que les bactéries et les virus
causent des maladies infectieuses.
Guide sommaire pour une planète en péril
Le réchauffement global, causé principalement
par les émissions à grande échelle
de gaz industriels tels que le dioxyde de carbone (CO2),
est presque certainement la plus grosse menace à
laquelle l'humanité a jamais fait face, parce
qu'il pose un point d'interrogation sur l'habitabilité
même de la terre.
Pendant les prochaines décennies, les températures
en augmentation signifieront que l'agriculture pourrait
devenir non viable sur d'énormes étendues
du monde où les gens sont déjà
pauvres et affamés; les réserves d'eau
pour des millions ou même des milliards pourraient
manquer. L'augmentation du niveau des mers détruira
des zones côtières substantielles dans
les pays à faible altitude comme le Bangladesh,
au moment précis où leur population proliférera.
De nombreux réfugiés environnementaux
dépasseront les capacités de n'importe
quelle agence, ou en fait de n'importe quel pays, à
y faire face, pendant que l'infrastructure urbaine moderne
affrontera la dévastation par de puissants évènements
climatiques extrêmes, tels que l'ouragan Katrina
qui a frappé la Nouvelle Orléans l'été
dernier.
La communauté internationale accepte la réalité
du réchauffement global, soutenue par le Groupe
d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution
du Climat des Nations Unies. Dans son dernier rapport
de 2001, le GIEC a déclaré que les températures
moyennes étaient susceptibles d'augmenter de
5.8°C en 2100. Dans les hautes latitudes, comme
en Grande Bretagne, l'augmentation sera probablement
beaucoup plus importante, peut être de 8°C.
Le réchauffement semble se produire plus rapidement
qu'anticipé et dans le prochain rapport du GIEC,
en 2007, l'échelle de temps pourrait être
réduite. Cependant il reste toujours une supposition
que le changement de climat est contrôlable, si
les émissions de CO2 peuvent être réduites.
Lovelock avertit: réfléchissez encore. |