par Andrew C. Revkin
Un officiel de la Maison Blanche qui dirigeait autrefois
la bataille de l'industrie du pétrole contre
les limites des gaz à effet de serre a édité
à plusieurs reprises les rapports gouvernementaux
sur le climat de façon à minimiser les
liens entre de telles émissions et le réchauffement
global, d'après des documents internes.
Sur les notes manuscrites des brouillons de plusieurs
rapports publiés entre 2002 et 2003, le fonctionnaire,
Philip A. Cooney, a supprimé ou ajusté
les descriptions de la recherche climatique que les
scientifiques du gouvernement et leurs responsables,
y compris des fonctionnaires supérieurs de l'administration
Bush, avaient déjà approuvé. Dans
beaucoup de cas les changements sont apparus dans les
rapports définitifs.
Les douzaines de modifications, bien que quelquefois
aussi subtiles que l'insertion de la phrase "significatif
et fondamental" avant le mot "incertitude",
tendent à faire planer un doute au sujet des
conclusions que la plupart des experts climatiques affirment
solides.
M. Cooney est chef du personnel du Conseil sur la Qualité
de l'Environnement de la Maison Blanche, le bureau qui
aide à concevoir et promouvoir la politique de
l'administration pour les problèmes environnementaux.
Avant d'arriver à la Maison Blanche en 2001,
il était le dirigeant de l'équipe sur
le climat et membre d'un groupe de pression à
l'Institut Américain du Pétrole, le plus
grand groupe commercial représentant les intérêts
de l'industrie pétrolière. Avocat avec
un diplôme d'économie, il n'a aucune formation
scientifique.
Les documents ont été obtenus par le New
York Times grâce au Programme pour la Responsabilité
du Gouvernement, une association d'assistance sans but
lucratif pour les dénonciateurs.
Le programme est dirigé par Rick S. Piltz, qui
a démissionné en Mars de son poste d'associé
au bureau qui coordonne la recherche climatique du gouvernement.
Ce bureau, maintenant appelé le Programme scientifique
sur le Changement de Climat, a fournit les documents
que M. Cooney a édité.
Une porte-parole de la Maison Blanche, Michele St. Martin,
a déclaré hier que M. Cooney ne s'exprimerait
pas à ce sujet. "Phil Cooney ne fait pas
de déclarations publiques", a dit Mme St.
Martin, "il n'est pas un porte-parole accrédité".
Dans un cas, en octobre 2002, dans un brouillon pour
un résumé régulièrement
publié sur la recherche climatique du gouvernement,
"notre planète en évolution",
M. Cooney a amplifié le degré d'incertitude
en ajoutant le mot "extrêmement" à
cette phrase: "l'attribution des causes biologiques
et écologiques du changement de climat ou leur
variabilité est extrêmement difficile".
Dans une section sur le besoin de recherches pour savoir
comment le réchauffement pourrait modifier la
disponibilité de l'eau et les inondations, il
a rayé un paragraphe décrivant la prédiction
de la réduction des glaciers montagneux et de
la couverture neigeuse. Ses notes dans la marge expliquent
que c'était "s'égarer de la stratégie
sur la recherche vers des découvertes/songeries
spéculatives".
D'autres fonctionnaires de la Maison Blanche ont dit
que les modifications apportées par M. Cooney
faisaient partie des révisions inter-agences
normales qui ont lieu sur tous les documents en relation
avec le changement environnemental global. Robert Hopkins,
un porte-parole du Bureau pour la Politique sur la Science
et la Technologie de la Maison Blanche a noté
qu'un des rapports sur lesquels M. Cooney a travaillé,
le plan de 10 ans de l'administration pour la recherche
sur le climat avait été approuvé
par l'Académie Nationale des Sciences. Et Myron
Ebell, qui a longtemps mené campagne contre les
limites des gaz à effet de serre en tant que
directeur de la politique sur le climat à l'Institut
des Entreprises Compétitives, un groupe ultra-libéral,
a déclaré que de telles éditions
étaient nécessaires à la "cohérence"
pour faire concorder le programme avec la politique.
Mais les critiques disent qu'alors que l'administration
passe régulièrement en revue les rapports
du gouvernement, le contenu de ces rapports devrait
être examiné par des scientifiques. Les
experts climatiques et les représentants des
groupes environnementaux à qui on a montré
les exemples de modifications ont dit que cela illustrait
l'influence significative bien que largement invisible
de M. Cooney et des autres fonctionnaires de la Maison
Blanche ayant des liens avec l'industrie de l'énergie,
qui ont longtemps lutté contre la restriction
des gaz à effet de serre.
Dans une note de service envoyée la semaine dernière
dans une douzaine d'agences aux fonctionnaires supérieurs
s'occupant du changement de climat, M. Piltz écrivait
que les modifications apportées par la Maison
Blanche et d'autres actions menaçaient d'entacher
l'effort du gouvernement de 1.8 milliard de dollars
pour clarifier les causes et les conséquences
du changement de climat.
"Chaque administration a un avis politique sur
le changement de climat" écrit M. Piltz.
"Mais je n'ai pas vu une situation, comme celle
qui a été développée sous
cette administration pendant les quatre dernières
années, où la politisation par la Maison
Blanche a influencé directement un programme
scientifique de telle façon qu'elle a ébranlé
la crédibilité et l'intégrité
de ce programme".
Un scientifique de l'Agence pour la Protection de l'Environnement
qui travaille sur les questions climatiques a déclaré
que le conseil sur l'environnement de la Maison Blanche,
où travaille M. Cooney, a proposé des
suggestions précieuses de temps en temps. Mais
le scientifique, qui a préféré
garder l'anonymat parce qu'il est interdit à
tous les employés de parler à la presse
sans être accrédité, a dit que le
genre de modifications effectuées par M. Cooney
nuit au moral. "J'ai des collègues dans
d'autres agences qui ont la même opinion, que
ça a un effet plutôt effrayant et que ça
créé un sentiment de frustration".
Le premier ministre britannique Tony Blair, qui a rencontré
le président Bush hier à la Maison Blanche,
a tenté de le persuader d'intensifier les efforts
des États-Unis pour limiter les gaz à
effet de serre. M. Bush a seulement demandé des
mesures volontaires jusqu'en 2012 pour réduire
les émissions.
Hier, déclarant que leur but était d'influencer
la réunion, les académies scientifiques
de 11 pays, y compris celles des États-Unis et
de Grande-Bretagne, ont publié une lettre commune
disant: "la compréhension scientifique du
changement de climat est maintenant suffisamment claire
pour justifier que les nations prennent rapidement des
mesures".
L'Institut Américain du Pétrole, où
M. Cooney travaillait avant d'aller à la Maison
Blanche, a depuis longtemps une opinion différente.
Depuis le début des négociations qui ont
amené au protocole de Kyoto en 1997, elle a promu
l'idée que les incertitudes persistantes sur
le changement de climat justifiaient de différer
les restrictions sur les émissions de dioxyde
de carbone et autres gaz des cheminées et des
pots d'échappement piégeant la chaleur.
Apprenant les révisions de la Maison Blanche,
des représentants de certains groupes environnementaux
ont dit que les efforts pour amplifier les incertitudes
scientifiques étaient réellement destinés
à retarder la limitation des gaz, qui restent
des dérivés inévitables de la combustion
du pétrole et du charbon.
"Ils ont eu 3 ans de plus, et la seule façon
de contrôler le problème et de ne rien
y faire est de couvrir la science de boue" a déclaré
Eilen Claussen, présidente du Centre Pew sur
le Changement de Climat Global, un groupe privé
qui a recruté des sociétés pour
des programmes réduisant les émissions.
Les altérations de M. Cooney peuvent causer de
nets changements de sens. Par exemple une phrase dans
le brouillon de "notre planète en évolution"
de 2002 était à l'origine: "plusieurs
observations scientifiques indiquent que la terre subit
une période de changement relativement rapide".
De manière concise et soignée, M. Cooney
a modifié la phrase de cette façon: "plusieurs
observations scientifiques mènent à la
conclusion que la terre pourrait subit une période
de changement relativement rapide".
Un document montrant le même genre de modifications
est le Plan Stratégique pour le Programme Scientifique
Américain sur le Changement de Climat, un épais
rapport décrivant la réorganisation sur
la recherche climatique du gouvernement qui a été
demandé par M. Bush dans son premier discours
sur ce sujet en juin 2001. Le document a été
examiné par une commission d'experts rassemblés
par l'Académie Nationale des Sciences en 2003.
Les scientifiques ont largement supporté le projet
de recherche du gouvernement mais ont averti que les
procédures de l'administration pour approuver
les rapports sur le climat pourraient résulter
en des interférences politiques excessives avec
la science.
Un autre candidat politique qui a eu un rôle déterminant
pour ajuster le langage dans les rapports du gouvernement
sur la science du climat est le Docteur Harlan L. Watson,
responsable des négociations sur le climat pour
le Département d'État, qui a un doctorat
en physique des solides mais qui n'a effectué
aucune recherche sur le climat.
Dans une note de service du 4 octobre 2002 à
James R. Mahoney, directeur du Programme Scientifique
sur le Changement de Climat des États-Unis, nommé
par M. Bush, M. Watson recommandait "fortement"
de supprimer des passages de texte faisant allusion
aux découvertes du comité sur le climat
de l'Académie Nationale des Sciences et du Groupe
d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution
du Climat, un organisme des Nations Unies qui examine
périodiquement les recherches sur le changement
de climat causé par l'homme.
Les passages, écrivait il, "n'incluent pas
une reconnaissance appropriée des incertitudes
sous-jacentes et la nature hésitante d'un certain
nombre de déclarations".
Bien que ces modifications aient été faites
il y a presque 2 ans, les récentes déclarations
de M. Watson indiquent que la position de l'administration
n'a pas changé.
"Nous ne sommes toujours pas convaincus du besoin
d'agir aussi rapidement" a-t-il déclaré
à la BBC le mois dernier à Londres. "Il
y a un consensus général que l'on en connaît
beaucoup, mais aussi que l'on doit encore beaucoup en
apprendre".
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