15 décembre 2006
Source: Reuters
Par Ari Rabinovitch
Tel Aviv, 15 décembre 2006 (Reuters) –
Le lauréat du prix Nobel Paul Crutzen dit qu'il
a de nouvelles données qui justifient sa théorie
controversée d'injecter le polluant commun, le
soufre, dans l'atmosphère pour annuler l'effet
des gaz à effet de serre.
Bien qu'un tel projet ne pourrait pas être mis
en oeuvre avant au moins 10 ans, les données
sont destinées à apaiser les critiques
de l'idée qu'il a d'abord défendue dans
le journal scientifique Climatic Change en août.
Le météorologiste hollandais a montré
ce qu'il appelle l'effet de refroidissement positif
par l'ajout d'une couche de sulfates à l'atmosphère
pendant une conférence sur le réchauffement
global à l'École Porter pour les Études
Environnementales de Tel Aviv.
Il a dit que de nouveaux calculs détaillés
entrepris depuis août montrent que le projet ferait
effectivement baisser les températures globales.
"Nos calculs utilisant les meilleurs modèles
disponibles ont montré qu'injecter 1 million
de tonnes de soufre par an refroidirait le climat et
que l'effet des gaz à effet de serre serait annulé",
a dit Crutzen à Reuters.
"Une couche de sulfates ajoutée dans la
stratosphère, environ 16 Km au-dessus de la terre,
réfléchirait la lumière solaire
dans l'espace et réduirait les radiations solaires
atteignant la terre", a dit Crutzen.
Il a déclaré qu'il envisageait des canons
géants ou des ballons dispersant le soufre pour
compenser l'accumulation des gaz à effet de serre,
comme le dioxyde de carbone, largement générés
par le brûlage des combustibles fossiles par les
centrales électriques, les usines et les véhicules.
Le monde a lutté pendant des décennies
pour réduire la pollution du soufre, un composant
des pluies acides qui détruit les forêts
et les poissons, principalement par des contrôles
plus stricts sur le brûlage du charbon.
"Nous entrons maintenant dans une période
intensive de calculs de modèles et ensuite nous
procéderons à de petites expérimentations
pour tester les mécanismes d'oxydation du soufre
que nous avons calculés", a dit Crutzen.
Plus de tabous
Crutzen a dit qu'il prévoyait de publier les
nouvelles découvertes dans quelques mois dans
un des principaux journaux scientifiques.
L'idée d'utiliser du soufre pour combattre le
réchauffement global - dont la plupart des scientifiques
disent qu'elle apportera plus d'inondations, de vagues
de chaleur, et d'augmentation du niveau de mers - n'est
pas nouvelle.
Les scientifiques ont remarqué que les grosses
éruptions volcaniques avaient des effets similaires,
et l'éruption du Mont Pinatubo aux Philippines
a fait baisser la température dans le monde pendant
deux ans.
Pendant des décennies la théorie a été
écartée comme dangereuse jusqu'à
ce que Crutzen, qui a gagné le prix Nobel 1995
de chimie pour ses recherches sur l'ozone, ait publié
son dossier.
"Jusqu'à août, c'était un
sujet tabou. Mais le dossier que j'ai publié
a vraiment déclenché quelques mouvements
dans ce domaine. Ça n'avait jamais atteint le
niveau sérieux que ça a eu ces derniers
mois. Ça pourrait avoir un rapport avec le prix
Nobel, mais j'espère que ce n'est pas que ça",
dit Crutzen.
Certains critiques disent que le projet est trop risqué,
aura des effets négatifs sur l'approvisionnement
en eau et augmentera les pluies acides.
Crutzen a dit qu'il était nécessaire
d'étudier les conséquences négatives,
mais qu'il ne s'attendait pas à une augmentation
des pluies acides parce que la quantité de soufre
injectée serait un faible pourcentage des sulfates
polluant l'atmosphère aujourd'hui.
Quelques groupes environnementaux, méfiants
sur les projets de géoingénierie, disent
que l'idée devrait au moins être considérée.
"Le fait que les meilleurs experts dans ce domaine
disent que c'est nécessaire montre que nous sommes
dans une triste situation", dit Steve Sawyer, un
conseiller politique de Greenpeace International.
"L'idée devrait être examinée,
et comme dernier recours pourrait nous faire gagner
quelques décennies", dit Sawyer |