Toxicocinétique -
Métabolisme Les
composés solubles des sels de baryum sont rapidement
absorbés dans le tractus gastro-intestinal et
les poumons. Le baryum absorbé se dépose
dans les muscles, les poumons et surtout dans les os.
Chez l'animal, l'absorption gastro-intestinale varie
de 0,7 % à 85 % selon l'espèce (chlorure
de baryum, environ 50 % chez le chien et 30% chez le
rat et la souris), l'âge (absorption plus importante
chez les animaux jeunes) et la nourriture (absorption
diminuée en présence de nourriture dans
le tractus gastro-intestinal). Chez le rat, après
exposition orale à de faibles concentrations,
l'absorption des sels de baryum est fonction de la solubilité
de ces composés dans le milieu acide du tractus
gastro-intestinal supérieur (chlorure > sulfate
> carbonate); à fortes concentrations, l'absorption
diminue car la conversion des sels de baryum en chlorure
de baryum dans l'estomac est limitée.
Dans le tractus respiratoire, les composés du
baryum sont bien absorbés, y compris ceux qui
sont peu solubles dans l'eau. L'absorption nasale et
alvéolaire de chlorure de baryum est estimée,
chez le rat, à 60-80% de la dose, 4 h après
l'exposition.
La demi-vie du sulfate de baryum
dans le tractus respiratoire inférieur est de
8j chez le chien (1,1 µg/l, 30-90 min. d’exposition).
Chez le rat, 24h après instillation intratrachéale
de sulfate de baryum marqué (2µg), 15,3
% de la radioactivité a disparu des poumons,
soit par un mécanisme de clairance mucociliaire
(7,9 %), soit par passage sanguin (7,4 %). Le baryum
absorbé dans le sang disparaît en 24h;
il se dépose dans les muscles, les poumons, et
surtout dans les os (78% de la charge corporelle, 24h
après exposition et 95 % après 11j), préférentiellement
dans les zones de croissance et sur la surface. Dans
les muscles, la concentration de baryum diminue lentement
à partir de 30h après l'exposition; dans
les os, la demi-vie d'élimination moyenne est
d'environ 50j (66j dans le crâne et 88j dans la
région caudale). De fortes concentrations sont
parfois mesurées dans les yeux, principalement
dans les structures pigmentées. De faibles quantités
sont décelées dans l'aorte, les reins,
le foie, la rate, le cerveau, le coeur et le pancréas
et disparaissent en quelques jours. Le baryum peut traverser
la barrière placentaire et atteindre le foetus.
Chez l'homme et le rat, le baryum
est excrété essentiellement dans les fecès
(95-98%) et faiblement dans l'urine (2-5%). Chez l'homme,
environ 75% de la dose est éliminé en
3 jours et 10 à 20% pendant les 42 jours suivants;
l'excrétion totale suit un modèle à
3 compartiments avec des demi-vies biologiques de 3,6,
34,2 et 1033 jours. Chez le rat, l'excrétion
fécale représente 20% de la dose en 24h,
contrairement au calcium qui est excrété
essentiellement par l'urine.
Mode d'action
Le baryum se fixe aux protéines
(54% de la dose), active la sécrétion
de catécholamines par les surrénales et
stimule les muscles. Ses effets toxiques sont essentiellement
dus à une action sur les flux de potassium à
travers les membranes des cellules excitables (nerfs,
muscle, coeur). L'exposition de telles cellules au baryum
provoque une diminution rapide de la perméabilité
au potassium et de son efflux; ceci entraîne une
baisse du potentiel de repos membranaire avec une hyper-irritabilité
et une augmentation d'activité. Puisque le baryum
augmente le transport actif du potassium du milieu extracellulaire
vers la cellule et diminue son excrétion passive,
il en découle une hypokaliémie.
Après ingestion aiguë
ou administration parentérale de fortes doses,
le baryum induit une hypersalivation, une dyspnée,
des vomissements, des diarrhées, une hypokaliémie,
des effets cardiovasculaires (hypertension et arythmies),
des effets musculaires (faiblesse, tremblements et paralysie),
des convulsions et la mort par arrêt cardiaque
et respiratoire. Les effets cardiaques et musculaires
sont liés à une perte importante de potassium,
du milieu extracellulaire vers la cellule, et sont réversibles
après administration de potassium. L'action hypertensive
du baryum n'est pas réversible après injection
de potassium; elle serait due à une stimulation
directe des muscles lisses artériels.
Des rats et des lapins ayant reçu
une dose intratrachéale de carbonate de baryum
(50 mg) présentent une sclérose pulmonaire,
visible 9 mois après l'exposition, qui progresse
vers une pneumonie fibreuse avec nécrose des
membranes muqueuses des bronches. Le lapin (0,6ml/kg
d'une suspension contenant 85% de sulfate de baryum,
intratrachéal) ne présente pas de modification
de la ventilation pulmonaire, du taux des gaz sanguins
ou du poids des poumons; cependant, bronchopneumonie,
bronchite ou bronchiolite réversibles sont observées
pendant la première semaine.
Le chlorure de baryum dihydraté
est irritant pour la peau, les yeux (iritis réversible)
et le tractus respiratoire.
Subchronique et chronique
Aucun signe clinique n'est détecté
chez des rats (2000 ppm, 15j) ou des souris (346 ppm,
15j) exposés au chlorure de baryum dans l'eau
de boisson. Les souris exposées à 692
ppm (15j) présentent une augmentation de poids
du foie.
A la dose de 1000 ppm de chlorure
de baryum pendant 90j, des modifications ultrastructurelles
apparaissent dans les glomérules rénaux
du rat unilatéralement néphrectomisé;
à 4000 ppm, on observe une baisse de poids, une
diminution de consommation hydrique, une dilatation
des tubules rénaux et une augmentation de la
létalité. Des symptômes identiques
sont observés chez la souris (4000 ppm, 13 sem.)
avec une baisse de poids du foie et une néphropathie,
multifocale à diffuse, caractérisée
par une dilatation tubaire, une régénérescence
et une atrophie.
Des rates exposées pendant
16 mois à 1, 10 ou 100 ppm (0,051- 0,51- 5,1
mg Ba/kg/j) dans l'eau de boisson, présentent,
à la forte dose surtout, une augmentation de
la pression artérielle moyenne ; la nourriture
contenant un apport limité en calcium et potassium,
pourrait contribuer à cet effet.
Une exposition au chlorure de
baryum pendant 2 ans à des doses allant de 500
à 2500ppm, dans l'eau de boisson, induit, chez
le rat, une baisse de poids corporel et une augmentation
de la concentration de baryum sérique et osseux.
Chez la souris, des doses semblables augmentent la létalité,
la concentration de baryum sérique et le taux
de néphropathies.
Le NOAEL (dose sans effet toxique
observé), par voie orale chez la souris, est
de 200 mg Ba/kg/j en exposition subchronique, 75 mg
Ba/kg/j (mâles) ou 90 mg Ba/kg/j (femelles) en
exposition chronique; chez le rat, le NOAEL subchronique
est de 65 mg Ba/kg/j et le NOAEL chronique 60 mg Ba/kg/j
(mâles) ou 45 mg Ba/kg/j (femelles).
Des rats mâles, exposés,
par inhalation, à de la poussière de carbonate
de baryum (5,2mg/m3, 4h/j, 6 mois), présentent
une pression artérielle élevée,
une baisse de la prise de poids, une diminution du taux
sanguin d'hémoglobine, de glucose, de protéines,
de cholineestérase et de thrombocytes, une augmentation
du taux sanguin de leucocytes, de phosphore et de phosphatase
alcaline et du taux urinaire de calcium. A l'autopsie,
on observe une sclérose pulmonaire périvasculaire
et péribronchique. Le NOEL (dose sans effet observé)
est 0,8 mg Ba/m3, 4h/j, pendant 6 mois.
Génotoxicité
In vitro, le nitrate de baryum
et le chlorure de baryum dihydraté ne sont pas
mutagènes dans le test d'Ames sur S. typhimurium
TA97, TA98, TA100, TA1535, TA1537, avec ou sans activation
métabolique. Le chlorure de baryum est mutagène
pour les cellules de lymphome de souris en culture en
présence d'activateur métabolique mais
n'induit pas, avec ou sans activation métabolique,
d'aberration chromosomique ou d'échanges entre
chromatides soeurs dans les cellules ovariennes de hamster
chinois.
Cancérogenèse
Aucune augmentation de l'incidence
tumorale n'est observée après exposition,
dans l'eau de boisson, de rats ou de souris des deux
sexes à 5 mg Ba/l (sous forme d'acétate
de baryum), pendant toute la durée de leur vie
ou à 2500 ppm de chlorure de baryum dihydraté
pendant 2 ans.
Après exposition au chlorure de baryum dihydraté
on observe une diminution par rapport aux témoins,
en relation avec la dose, du taux de phéochromocytomes
de la médullosurrénale et de leucémies
à cellules mononucléées chez le
rat mâle (500-2500ppm, 2 ans) et d'adénomes
hépatocellulaires chez la souris mâle (2500ppm,
2 ans).
Effets sur la reproduction
Par voie orale, aucune modification
cytologique testiculaire ou vaginale n'est observée
après exposition au chlorure de baryum chez le
rat (1000, 2000 ou 4000 ppm) ou la souris (500, 1000
ou 2000 ppm) dans l'eau de boisson pendant 60 jours
pour les mâles ou 30 jours pour les femelles.
Après accouplement, il n'y a pas de modification
du taux ou de la durée de gestation, de la survie
des petits ou du taux d'anomalies externes. Chez le
rat, à la plus forte dose, on observe une légère
réduction du nombre d'implants par mère
et de la taille des portées à la naissance
ainsi qu'une diminution significative, réversible
en 5 jours, du poids des petits. Chez la souris, la
taille des portées est diminuée pour la
dose de 1000 ppm uniquement.
Une exposition, par inhalation,
du rat mâle au carbonate de baryum (5,2 mg/m3,
4h/j, 6j/sem, 4 mois) diminue la mobilité spermatique,
la résistance osmotique des spermatozoïdes
et provoque la desquamation de l'épithélium
des canaux spermatiques; chez les femelles (13,4 mg/m3,
4h/j, 6j/sem, 4 mois), on observe un raccourcissement
de la durée du cycle ovarien et une atrésie
folliculaire. Une augmentation de la létalité
foetale est notée après accouplement de
rats mâles, exposés à 5,2 mg/m3,
avec des femelles non exposées ou de femelles
exposées (13,4 mg/m3) avec des mâles exposés
ou pas; dans ce cas, les nouveau-nés présentent
un déficit de développement. Le NOAEL
(dose sans effet toxique observé) est de 1,15
mg/m3.
Toxicité sur l’homme
Aiguë
Les intoxications aiguës résultent principalement
d’ingestions volontaires ou de contaminations
alimentaires. Elles sont particulièrement
graves pour les composés solubles, ainsi
que pour le carbonate de baryum, insoluble dans l’eau
mais soluble en milieu acide.
Les effets toxiques sont liés
à une stimulation des muscles lisses, striés
et du muscle cardiaque, une hypokaliémie ainsi
qu’à une irritation du tractus gastro-intestinal.
Le tableau clinique débute
par des troubles digestifs
à type de douleurs abdominales parfois violentes,
de diarrhées pouvant être sanglantes, d’une
hypersialorrhée, de nausées, de vomissements
accompagnés d’une asthénie.
Rapidement surviennent des
crampes, des contractures musculaires, puis une paralysie
flasque, progressive des quatre membres, du diaphragme,
des voies aériennes supérieures.
Un cas de rhabdomyolyse a été décrit
pour le BaCO3.
Des troubles cardio-vasculaires
sont également présents à type
de brady- ou tachycardie, d’extrasystoles ou de
fibrillations ventriculaires et d’hypertension.
Quelques rares cas de comas,
non expliqués par les perturbations métaboliques
ainsi que des convulsions, ont été rapportés
lors d’intoxication liée au passage accidentel
de sulfate de baryum dans le sang lors d’opacifications
digestives.
Physiologiquement on observe une
hypokaliémie accompagnée d’une acidose.
La mort peut survenir par
insuffisance respiratoire ou fibrillation ventriculaire.
Les intoxications décrites
par voie pulmonaire sont très rares. Un cas mortel
très ancien est cité avec de l’oxyde
de baryum. Un cas est décrit par inhalation de
carbonate de baryum ayant entraîné des
symptômes identiques à ceux décrits
par ingestion. Pour les composés solubles, l’éventualité
de ce risque est à prendre en compte.
Un cas d’intoxication aiguë
a été décrit lors d’une brûlure,
par du chlorure de baryum, de 20% de la surface corporelle,
dont 5% au troisième degré.
Chronique
Les études sur des populations
professionnellement exposées de manière
chronique sont relativement rares ou anciennes.
Parmi les populations exposées
aux composés insolubles par inhalation, principalement
les mineurs, de nombreux cas de barytoses ont été
décrits. Il s’agit d’une pneumoconiose
de type non collagéneuse, avec une réaction
stromale minimale, une absence de fibrose et de destruction
de l’alvéole pulmonaire et un caractère
réversible des lésions.
Cliniquement, on n'observe aucun
symptôme, la fonction pulmonaire n’est pas
modifiée. Seule la radiographie pulmonaire montre
des micronodules, très nombreux et diffus sur
l’ensemble du poumon. Leur nombre peut les faire
apparaître confluents. Ils traduisent essentiellement
la présence de sulfate de baryum, du fait de
sa radio-opacité. Après cessation de l’exposition,
ces images disparaissent progressivement.
Quelques études rapportent
la présence d’hypertension, de bronchite
chronique, de troubles cardiaques mal définis
parmi les populations exposées professionnellement
ou par contamination environnementale (eau chargée
en baryum principalement). Elles sont cependant toutes
partielles ou critiquables sur le plan méthodologique.
Ces effets ne sont donc pas démontrés.
Sur la peau et les muqueuses,
l’oxyde et l’hydroxyde de baryum peuvent
exercer une action caustique.
Des dépôts osseux avec ostéonécrose,
visibles en radiographies, en particulier au niveau
du maxillaire et du fémur, ont été
décrits.
Recommandations
En raison de la toxicité
et des propriétés explosives du baryum
et de ses composés, des mesures sévères
de prévention et de protection s'imposent lors
de leur stockage et de leur manipulation.
Manipulation
Les prescriptions relatives aux
zones de stockage sont applicables aux ateliers où
sont utilisés le baryum et ses composés.
En outre:
-Instruire le personnel des risques
présentés par les produits, des précautions
à observer et des mesures à prendre en
cas d'accident.
-Éviter l'inhalation de
vapeurs ou de brouillards. Effectuer en appareil clos
toute opération industrielle qui s'y prête.
Prévoir une aspiration du produit à sa
source d'émission, une ventilation générale
des locaux ainsi que des appareils de protection respiratoire
pour certains travaux de courte durée, à
caractère exceptionnel ou pour des interventions
d'urgence.
-Procéder à des
contrôles d’atmosphère.
-Éviter le contact du produit
avec la peau et les yeux. Mettre à la disposition
du personnel des vêtements de protection, des
masques, des gants et des lunettes de sécurité.
Ces effets seront maintenus en bon état et nettoyés
après chaque usage. Le personnel chargé
du nettoyage sera averti des risques présentés
par les produits.
-Prévoir l'installation
de douches et de fontaines oculaires.
-Ne pas fumer, boire et manger
dans les ateliers.
-Observer une hygiène corporelle
et vestimentaire très stricte: passage à
la douche et changement de vêtements après
le travail, lavage des mains et du visage avant les
repas, séparation stricte des vêtements
de travail et des effets personnels.
-Ne jamais procéder à
des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs
contenant ou ayant contenu du baryum ou ses composés
sans prendre les précautions d'usage.
-En cas de déversement
accidentel de baryum ou d'un de ses composés
solides, récupérer immédiatement
les déchets - en évitant de générer
des poussières - dans des récipients prévus
à cet effet, propres et secs, résistants
et étanches, mis sous atmosphère inerte
(pour le baryum). Lorsqu'il s'agit d'un composé
soluble du baryum, laver à grande eau la surface
souillée.
-En cas de déversement
accidentel de liquide contenant des composés
solubles, récupérer le produit après
l'avoir recouvert de matériau absorbant inerte
et non combustible (sable, vermiculite). Laver ensuite
à grande eau la surface souillée.
-Ne pas rejeter à l'égout
les eaux polluées par des composés du
baryum.
-À défaut de recyclage
possible, éliminer les déchets dans les
conditions autorisées par la réglementation.
Au point de vue médical
Pour les composés solubles
du baryum :
-On se montrera prudent avant
d’affecter des sujets atteints de cardiopathies
à des postes comportant un risque d’exposition
à ces composés.
-La surveillance médicale
comportera éventuellement une surveillance électrocardiographique.
La nécessité d’une radiographie
pulmonaire est laissée à l’appréciation
du médecin du travail. On recherchera particulièrement
des symptômes digestifs ou pulmonaires, des crampes
ou faiblesses musculaires, une hypertension. Le dosage
du potassium plasmatique peut être envisagé
en cas d’exposition notable. L’importance
de cette surveillance sera ajustée en fonction
des résultats de l’évaluation des
risques.
-En cas de projection sur la peau
ou les muqueuses, laver immédiatement à
l’eau tiède pendant 15 minutes. S’il
existe une brûlure étendue une hospitalisation
en urgence est nécessaire.
-En cas d’ingestion accidentelle,
si le sujet est conscient, tenter de le faire vomir;
alerter le médecin et organiser un transfert
vers un milieu hospitalier.
-En cas d’inhalation accidentelle,
une hospitalisation pour traitement éventuel
et surveillance est nécessaire.
Pour les composés insolubles
du baryum:
-L’affectation de sujets
atteints de pathologies pulmonaires sera discutée
en fonction de leur état et du niveau d’exposition
prévisible.
-Une radiographie pulmonaire à
l’embauche est nécessaire, sa réalisation
périodique par la suite est laissée à
l’appréciation du médecin du travail.
Le baryum peut être dosé
dans le plasma ou dans les urines, dans tous les cas
en fin de poste. Il existe cependant de larges variations
individuelles. Chez des sujets non professionnellement
exposés, on retrouve 0,2 µg/100ml dans
le sang total (écarts: 0,047 à 0,24),
2,7µg/l dans l’urine (0,25 à 5,7).
Il est nécessaire d’éviter toute
contamination du tube de prélèvement. |